Le défaut de performance énergétique peut-il engager la responsabilité décennale des constructeurs d’un ouvrage ?
Qu’est ce que la responsabilité décennale ?
Rappelons que certains constructeurs d’un ouvrage peuvent être recherchés sur le fondement de la responsabilité décennale, prévue par l’article 1792 du Code civil.
Cette responsabilité est d’une durée de 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage en question (la réception est définie par l’article 1792-6 du Code civil).
Ce fondement présente l’avantage de ne pas nécessiter la preuve d’une faute du constructeur.
Il repose en effet sur une présomption de responsabilité.
L’existence du désordre, et la preuve du fait qu’il est imputable au constructeur poursuivi suffisent
Cette responsabilité n’est cependant encourue que pour les désordres les plus graves.
En effet, selon le Code civil, les désordres concernés sont ceux qui compromettent la destination de l’ouvrage ou qui affectent sa solidité (article 1792 du Code civil).
Comment les règles relatives à la responsabilité décennale des constructeurs peuvent-elles être appliquées en matière de performance énergétique des bâtiments ?
Qu’en est-il lorsque la performance énergétique d’un ouvrage n’est pas à la hauteur de ce qui était attendu ?
Du fait de la généralisation d’une réglementation thermique plus exigeante, la RT 2012 (la nouvelle réglementation thermique), la question de la performance énergétique des bâtiments se pose avec plus d’acuité.
Dans le cadre du Plan bâtiment Grenelle, un rapport sur la performance énergétique à été établi en avril 2012.
Les auteurs de ce rapport font un parallèle entre les décisions qui pourraient être rendues en matière de performance énergétique et la jurisprudence relative aux désordres acoustiques.
Pour ces derniers, les juges considèrent que l’on peut être en présence de désordres, et donc de désordres de nature décennale, même si la réglementation acoustique à été respectée.
Transposé aux caractéristiques thermiques d’un ouvrage, ceci signifierait que la responsabilité d’un constructeur pourrait être engagée même si la réglementation thermique a été respectée, si une certaine performance énergétique n’est pas atteinte.
Pour résoudre cette question, le groupe de travail dédié à la question de la performance énergétique du Plan bâtiment Grenelle s’apprêterait à proposer que soit créé un nouvel article du Code de la construction et de l’habitation, selon lequel pour apprécier la gravité d’un désordre, et donc son caractère décennal, il faudrait se référer à la « consommation conventionnelle de l’ouvrage » (le moniteur.fr, 23 avril 2013, « premières propositions dévoilées pour booster la garantie de performance énergétique »).
Sous réserve d’informations complémentaires sur cette proposition, ce serait donc les prévisions du contrat qui devraient guider le juge.
En attendant une éventuelle intervention du législateur, peut être cité un arrêt de la Cour de cassation, du 10 avril 2013 (Cour de cassation, 10 avril 2013, n° 12-12171).
Dans cette décision, la Cour de cassation approuve une Cour d’appel qui avait prononcé la résolution d’un contrat portant sur la fourniture et l’installation d’une pompe à chaleur.
Pour ce faire, la juridiction suprême se fonde sur les performances insuffisantes de la pompe.
En l’espèce, ces performances ne pouvaient être médiocres, alors que « la réalisation d’économies substantielles d’énergie était une condition essentielle du contrat ».
Ceci peut laisser penser qu’il faut se référer aux prévisions du contrat.
Toutefois, ceci reviendrait à réduire à néant l’intérêt de la garantie décennale pour le défaut de performance énergétique.
En effet, si tel est le cas, la responsabilité d’un constructeur ne pourrait être engagée que s’il n’a pas respecté les prévisions du contrat.
Des lors, en matière de performance énergétique, la responsabilité d’un constructeur ne serait plus fondée sur une présomption de responsabilité, mais reposerait sur la preuve d’un non-respect des prévisions du contrat, c’est à dire sur la preuve d’une faute.
Un bâtiment à Paris